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L'OURS n°425 page Culture
L’OURS n°425 février 2013
Page 2 : Culture

Cinéma : The Master ou ce qu’est un grand film, par JEAN-LOUIS COY (a/s de The Master , de Paul Thomas. Anderson, USA 2012, 2 h 13, avec Joaquin Phoenix, Philip Seymour Hoffman, Amy Adams

Il ne faut jamais se contenter de la première impression ni de conclure au lieu d’analyser. Le cinéma des grands auteurs recèle parfois de vraies difficultés de lecture et, si l’on se souvient des conseils diderotiens, la démarche intellectuelle compte autant que le choc visuel devant une peinture.

Le jeune et brillant cinéaste américain Paul Thomas Anderson, déjà auteur de l’exceptionnel There Will Be Blood et du grinçant Magnolia entre autres, se complait dans l’art de filmer, composer, cadrer mais aussi de réfléchir.

En règle générale, il travaille sur l’ensemble de l’œuvre, ses sujets nous étonnent par leur variété, peuvent nous désorienter mais sont cohérents avec un savoir-faire qu’il ne faut pas assimiler trop vite à un cinéma américain de série.
Parlons d’abord du sujet.

Rien de nouveau puisque le thème dominant se retrouve dans les films précédents et préoccupe l’auteur : le fanatisme sectaire, l’emprise des esprits, l’obscurantisme. Nous sommes presque toujours affrontés au problème de la victime face au dominateur, cela sur le mode de la spiritualité communautariste. Bref, un individu sorti de l’enfer des combats du Pacifique (!), alcoolisé, déjanté, violent et en errance, devient la proie idéale pour un onctueux charlatan et sa troupe d’adeptes. On songe à la scientologie, au Temple du soleil, à ces sectes contre lesquelles une République laïque doit savoir lutter et gagner.

Quel sauveur ?
Là n’est pas trop le propos. L’idée consiste à étudier la déliquescence d’un individu banal, purement instinctif quoique malin, face à son Maître, son faiseur de conscience ; dans le même temps assister à cette parodie charismatique d’un charmeur clownesque assez lucide pour ne plus oser aborder la rationalité ; enfin observer son envoûtante égérie, celle qui dirige tout, âmes, fortune, idéologie, grâce à sa douceur et même sa joliesse pour ne pas dire ses connivences sexuelles nécessaires. Le soldat perdu est un chien de garde mais il ne croit en rien et mourra bientôt, dans un milliard d’années, sans n’avoir rien compris. Le Maître s’enrichit, crée dés écoles, grossit et pleure à l’idée de n’avoir point « sauvé » ce fils adoptif.
Filmé admirablement, The Master abonde en fortes et belles inventions, celle du grand magasin, plan-séquence, travelling et panoramique dans le même paquet, faut savoir le faire ! Les acteurs principaux, Joaquin Phoenix et Philip Seymour Hoffman sont prodigieux. Prise de son et photographie : hors du commun.

Donc un produit réussi dont il suffirait de décrire les ingrédients pour satisfaire un public. Mais non, nous le certifions à nouveau, il faut savoir distinguer l’art, même de l’endroit où nous le trouvons un peu trompe-l’œil ou maniéré.

The Master est un grand film où la nature, le monde, la société, la gestuelle, l’émotion communiquent des problèmes de notre temps et parmi eux se pose celui de l’aliénation, de la fraternité dévoyée, des solitudes destructrices du libre-arbitre en nous jetant parfois à l’écoute des grimoires qui nous offrent les paradis trompeurs.
Jean-Louis Coy

L’actu des bulles :
Résurrections

par VINCENT DUCLERT
a/s de Philippe Francq, Jean Van Hamme, Largo Winch, T 18, Colère Rouge, Dupuis, 2012, 48 p, 12,95 €
Yves Sente, Youri Jigounov, XIII, L’Appât, T 21, Dargaud, 48 p, 11,99 €)


Jean Van Hamme est le scénariste le plus célèbre de la BD francophone. Coup sur coup il a donné un nouvel épisode aux aventures de Largo Winch et confié à Yves Sente le soin de ressusciter la plus mythique encore série XIII qu’on avait pourtant annoncé achevée.

Colère rouge clôt une forme de cycle. L’album s’en retourne aux origines de l’histoire de cet héritier venu de nulle part d’un immense groupe financier construit par son père adoptif, Nerio Winch, un Serbe du Monténégro dont la famille avait émigré aux États-Unis en 1845. Les premiers pas, mouvementés, de Largo Winch, s’étaient déroulés sur les rives du Bosphore. Enquêtant sur des malversations commises dans son groupe, il se voit ramener vers la Turquie, sur les bords de la mer Noire, en compagnie d’une pilote d’hélicoptère rompue à toutes les situations, même les plus périlleuses au sommet des plus hauts porte-conteneurs. Au même moment son ami Simon Ovronnaz se débat dans les rais d’un mariage non désiré, mais susceptible de le faire sortir des prisons suisses. L’épilogue à tombeau ouvert permettra de donner une fin, toute provisoire, à la série.

XIII est reparti avec L’Appât, deuxième album dessiné par Youri Jigounov révélé par la série Alpha. Après Le Jour du Mayflower (2011), ce nouvel album relance une histoire dont les lecteurs savent la complexité autant que la force, sur fond de références à l’histoire américaine et à ses assassinats politiques. Il relance l’intérêt pour une série qu’avaient tenté de maintenir, un peu artificiellement il faut en convenir, les albums dérivés sous le label « XIII Mystery » qui revenaient sur le passé, forcément mystérieux, des principaux protagonistes. Comme dans Largo Winch, les personnages associés au plus près à l’intrigue emportent l’adhésion et humanisent le héros, en l’occurrence le major Jones (qui a les honneurs de la couverture) mais aussi la charmante Betty et son aristocrate époux français et bien sûr l’inoxydable général Carrington.

Vincent Duclert

L’actu des sons :
Songs for Home

par FREDERIC CEPEDE
«Home, Gift of musician », 2012, Sunnyside communication.inc, 9,00 € (www.homegiftofmusic.com))

Suite au tremblement de terre, au tsunami, et à la catastrophe nucléaire du le 11 mars 2011 au Japon, Rio Sakairi, directeur des programmes à la Jazz Gallery, centre culturel à but non lucratif de New York, a réuni des amis musiciens pour enregistrer un disque dont tous les revenus sont destinés à une association Habitat for Humanity reconstruisant des maisons au Japon. Depuis le concert pour le Bangladesh organisé par Georges Harrison en 1971, les mobilisations d’artistes pour de grandes causes humanitaires font parfois l’actualité. Au moment de la grande famine en Éthiopie en 1985, la chanson We are the World cosignée par Michael Jackson et Lionel Richie, produite par Quincy Jones, et chantée par un groupe de vedettes internationales est devenue un tube planétaire. Mais bons sentiments et générosité ne garantissent pas la qualité musicale.

« Home » est un don de musiciens solidaires, doublé d’une réussite artistique totale. À part une reprise d’un titre d’Abbey Lincoln (Music is the magic) par Claudia Acuña, les sept autres chansons ont été écrites pour ce projet par de jeunes auteurs compositeurs, interprètes qui représentent la fine fleur de la création américaine actuelle, que l’on tarde à découvrir de ce côté de l’Atltantique : Alan Hampton, Becca Stevens (2 titres), John Ellis, Doug Wamble, Leron Thomas et Sachal Vasandani. Pour les accompagner sur plusieurs titres, de grosses pointures : la chanteuse Gretchen Parlato en choriste de luxe, le pianiste Taylor Eigsti, le batteur Johnathan Blake et le bassiste Ben Williams notamment, qui font sonner l’ensemble comme l’œuvre d’un groupe. Ce CD offre 40 minutes de pure émotion, avec des ballades folks, des blues, des mélodies et des arrangements subtils, sans aucun artifice. Simplicité, générosité, harmonies, comme on aime.

Frédéric Cépède

L’OURS au théâtre :
Quand le théâtre fait son cinéma
,
par ANDRE ROBERT
a/s de Jeux de cartes 1 : Pique de Ex-Machine, mise en scène Robert Lepage studio 24 Villeurbanne du 19 mars au 14 avril 2013 aux ateliers Berthier (Paris 17e), Odéon théâtre de France

Quoi de vivifiant au théâtre ? Entre autres (ne soyons pas exclusifs), la dernière création de Robert Lepage : Jeux de cartes 1 : Pique.


Le Québécois, mondialement connu et récompensé pour ses mises en scène de théâtre et d’opéra (La trilogie des dragons, La face cachée de la lune, Le dragon bleu, La damnation de Faust par exemple), ses films (Le confessional, Nô, La face cachée de la lune – adaptation), ses collaborations créatives avec le Cirque du Soleil, nous revient. Avec sa troupe Ex Machina, « compagnie de création multidisciplinaire », fondée en 1994 à Québec, composée de six comédiens – mais on croirait qu’ils sont beaucoup plus nombreux tant ils parviennent à se démultiplier – et de techniciens logés sous le plateau circulaire, jouant de tous les artifices grâce aux technologies, Robert Lepage nous propose une forme théâtrale qui emprunte à certains découpages cinématographiques. On peut notamment penser ici à Short Cuts de Robert Altman, film lui-même inspiré de plusieurs nouvelles de Raymond Carver, c’est-à-dire une œuvre constituée de séquences courtes qui s’enchaînent et différencient les situations, tout en conservant un fil, qui donne corps à un récit, avec certains personnages récurrents.

Conçu comme le premier moment d’une tétralogie correspondant aux quatre as d’un jeu de cartes, Pique illustre le thème de l’épée (présente sur la scène à plusieurs reprises, incarnant surtout les croisades) et donc de la guerre (celle-ci est constamment en filigrane, quoique peu représentée comme telle) ; le spectacle entend en effet mettre en parallèle la guerre en Irak entreprise par l’administration Bush sur la base de ce qui s’avère être – on le sait aujourd’hui – des allégations entièrement fausses, et l’univers de mensonge fait de superficialité, de gaieté apparente, de jeu et de fric que constitue la ville de Las Vegas. Deux déserts, celui d’Irak, celui qui entoure Vegas (désert de Mojave où s’entraînaient aussi les soldats pour l’Irak), mais aussi désert des existences, désert de l’espoir, avec peut-être une possibilité de purification (la scène finale, énigmatique, peut y faire songer, avec une référence possible à des thèmes d’Easy Rider, sans les conséquences dramatiques, malgré ce qu’on a pu craindre un instant).

Un moment de théâtre plaisant
Dit comme cela, le propos de la pièce, création collective d’Ex Machina, pourrait paraître rébarbatif. Pas du tout. C’est très enlevé, très bien joué par des comédiens multilingues (français, anglais, espagnol, avec surtitres), le plateau recèle mille trappes faisant chacune apparaître un décor particulier, salle de jeux, chambre d’hôtel, scène d’interrogatoire, etc. et même piscine. C’est constamment intéressant – même si les dialogues ne sont pas toujours d’une grande profondeur, ils sont censés restituer ceux de la vie courante dans le contexte. On suit l’histoire de plusieurs personnages (le couple québécois venu se marier à Vegas, le joueur au bout du rouleau qui entreprend sa rédemption, la camériste hispano en situation irrégulière, les soldats …). Bref, il s’agit d’un moment de théâtre des plus plaisants.

Ex Machina porte bien son nom, en nous faisant jouir d’un des bonheurs du théâtre, celui lié à l’enchantement des effets machiniques, dévoilés comme tels (à la différence du cinéma), d’autant plus savoureux que porteurs de sens sur certains aspects du réel contemporain.

André Robert

Curiosité : Gloire à Montéhus, par FRANCOIS LAVERGNE (Rémy Wermester, Montéhus. La lutte en chantant, Éditions Elzévir, 2012, 401 p, 22 €)

Rémy Wermester s’est livré à une minutieuse enquête dans les archives pour retrouver les véritables traces de la vie de Montéhus, le chansonnier humanitaire, l’auteur de Gloire au XVIIe, La Butte rouge, et la Jeune Garde (« Prenez garde, vous les sabreurs, les bourgeois, les gavés… »).

Né Gaston Mardochée Brunswick en 1872, Montéhus fut, avant 1914, une véritable vedette, engagée corps et âme dans la chanson sociale, voire socialiste, antimilitariste, remplissant les salles, admiré par Lénine, vivant de son art. Il n’a certes pas écrit les 3000 chansons qu’on lui prêtera, mais ce sont plus de 800 titres qui sont listés dans l’ouvrage, une soixantaine de pièces, et des centaines de poèmes inédits (dont certains déposés à l’OURS). Si l’artiste a forgé sa légende de son vivant, s’inventant une enfance misérable et enjolivant ses engagements, il reste une figure très attachante dont on sent la passion dans les nombreux extraits de chansons reproduits dans cet ouvrage touffu, et un peu foutraque, mais désormais incontournable.
François Lavergne
 

 
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