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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Prigent/Benhamou/L'OURS 403
Le Parlement européen vu par les socialistes français
Par François PRIGENT

Salomé Benhamou, Un parlement sans légitimité ? Visions et pratiques du Parlement européen par les socialistes français de 1957 à 2008, L’Harmattan 2010 307 p 29,50 €

Article paru dans L’OURS n°403, décembre 2010, p. 8

Préfacé par Hubert Védrine, ce livre résulte d’un mémoire de Master, dirigé par Eric Bussière, primé par l’Institut François Mitterrand, attaché à la valorisation des travaux sur les thématiques des enjeux politiques de l’Europe.

Cet ouvrage évoque les positions et les enjeux, la place et le rôle des socialistes face à la question européenne, retraçant le processus de démocratisation en articulant les échelles d’analyse (Europe, France, milieu socialiste).

Les trois âges du Parlement européen
L’auteure montre comment l’assemblée communautaire fondée en 1952 est devenue un véritable parlement selon une périodisation assez nette qui identifie 3 moments bien distincts, ces « âges du parlement européen » déjà mis en exergue par Jean-Pierre Cot lors du numéro spécial publié par la Fondation Jean Jaurès (Notes n°39, 2004). La conquête du suffrage universel s’échelonne du traité de Rome aux premières élections européennes (1957-1979) dans un contexte de crise puis de relance du Parti socialiste en France. L’impérieux désir de voir s’élargir les pouvoirs du parlement européen s’invite au centre des réflexions et des débats jusqu’au traité de Maastricht en 1992, mené à bien durant le second septennat de François Mitterrand, dont la dimension internationale de l’action politique s’affirme. La période la plus récente est tramée par les contradictions, les limites et les impuissances d’une Europe qui peine à accentuer le(s) pouvoir(s) de ses institutions, comme l’ont montré en France les tensions autour du Traité constitutionnel européen avec les fractures inhérentes au referendum interne au PS en 2005. Les avancées de la démocratisation des institutions européennes révèlent la continuité des engagements européens de la SFIO puis du PS sous la houlette de Guy Mollet et François Mitterrand. C’est indéniablement un des fils conducteurs de la culture politique de la famille socialiste qui ressource les origines fondatrices de l’internationalisme. La promotion de l’idée européenne par les socialistes s’inscrit néanmoins dans des périodes complexes de mutations des sociétés occidentales et de crises internes au milieu partisan.

Visions et pratiques socialistes de l’Europe
Au-delà des stimulantes démarches comparatives des mouvances socialistes à l’échelle européenne, l’historiographie du socialisme français a accordé une place importante aux questions européennes, via des approches biographiques des parcours de Guy Mollet ou Christian Pineau, Albert Gaziert… De même, le regard sur les pratiques des parlementaires européens à Strasbourg commence à être mieux éclairé grâce à des essais-témoignages comme les écrits récents de Bernard Poignant, député et maire de Quimper. Député européen entre 1999 et 2009, ce proche de Michel Rocard puis de Lionel Jospin est en charge de la délégation socialiste française (DSF) durant la mandature 2004-2009. De plus, les organisations socialistes ont mis en place des structures partisanes originales dont les pratiques sont en partie étudiées par Salomé Benhamou, au sein de l’Union des partis socialistes de la communauté européenne (UPSCE) dès avril 1974, véritable plate-forme des partis socialistes européens, mais aussi dans le cadre du Parti socialiste européen (PSE) né en 1992 incitant à ouvrir une nouvelle phase dans les pratiques et les organisations politiques au plan européen. Réalité déjà soulignée par Laurent Jalabert, le congrès de Bagnolet en décembre 1973 façonne durablement la vision de l’Europe et l’importance des engagements européens pour le nouveau PS. Ce ralliement à l’Europe conforte la volonté du PS de se singulariser par rapport aux positions du PCF dans une période d’inversion de la gauche avec la stratégie de l’union de la gauche (le programme commun est signé en juin 1972). Les positions socialistes, qui trouvent racine dans des conceptions de l’Europe différentes de celles de la famille gaulliste, ont pour effet de renforcer l’idéologie européenne entre 1969 et 1973, véritables « années tournant » pour le socialisme version PS avec la profonde reconfiguration de ses bases militantes, la refonte et la réorientation de ses structures et stratégies partisanes, la rénovation de ses thèmes idéologiques. Mettant en avant le rôle de Robert Pontillon, ce livre montre aussi la place essentielle des courants face aux questions européennes, disséquant notamment l’évolution des positions du CERES puis de ses avatars dans les années 1970-1990. En outre, l’accent est mis sur le caractère décisif des années Mitterrand avec une réflexion sur la part croissante des enjeux européens pour les socialistes français au pouvoir. Les inflexions qui suivent la période 1981-1983 soulignent à quel point la cohabitation et le rôle joué par Jacques Delors à la tête de la Commission de Bruxelles (1985-1994) renforcent les engagements européens des socialistes. L’analyse sur les institutions, à l’instar du projet Spinelli dont on suit les transformations et la portée au fil des pages, est nourrie par les visions d’anciens acteurs socialistes du Parlement européen et dirigeants en responsabilités, comme André Chandernagor, Claude Cheysson, Catherine Lalumière, Pervenche Berès ou Pierre Moscovici.

Nouvelles perspectives de recherche
Les élections européennes restent décalées, à part du reste du système électoral français pour des raisons multiples. La portée des campagnes de Mitterrand, Fabius, Jospin, Rocard entre 1979 et 1994 est mise en perspective, sans restituer les ruptures dans les progressions électorales ou faire le bilan des résultats.
Au final, ce livre enrichit la connaissance des relations entre Europe et socialisme, ouvrant la voie par exemple à des enquêtes prosopographiques sur les eurodéputés (notamment pour le corpus des socialistes français), dont les trajectoires, profils, rôles, pratiques et débats mériteraient d’être mieux connus. De même, il serait intéressant de comparer l’importante masse de documentation interne au PS, dépouillée lors de ce travail, avec les autres sources à disposition. À noter que la reproduction des entretiens en intégralité, sur une centaine de pages, dévoile en détail les visions des eurodéputés français sur l’Europe.
François Prigent
 

 
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